Si l’homme moderne est hanté par l’idée de fin du monde, c’est parce qu’il pressent la fin de son monde. Et il a raison , expliquent les traditionalistes parce que le mythe du progrès infini est sur le point s'achever
Tous les authentiques traditionalistes ramènent donc cette crise que le monde est entrain de vivre et cette angoisse à la quatrième phase du cycle cosmique, le" Kali Yuga " selon la terminologie hindo, ou l'age sombre . Dans toutes les anciennes traditions, en effet, la descente des principes dans la manifestation n’est pas un progrès (au sens occidental), mais une chute. Et il ne s’agit pas ici de disserter sur une opposition classique entre spiritualisme et matérialisme, mais bien d’adopter un autre point de vue. L’occidental moderne est d’abord l’homme inscrit dans le temps, alors que le traditionaliste pense le monde d’un point de vue extérieur au temps.
De ce point de vue, l’Histoire obéit à une structure cyclique et hélicoïdale. Le Kali Yuga, ou age sombre de l'humanité qui commence à peu près en même temps que ce que nous appelons l’Histoire, c'est-à-dire avec l’invention supposée de l’écriture, ou à peu près, a été marqué par une succession de « petites crises » qui, dans leur architecture, anticipaient la crise terminale qui vient maintenant vers nous. Parmi ces crises, en premier lieu : l’effondrement de la civilisation classique – un effondrement qui, pour les traditionalistes, commence dès le VI° siècle av. J.C., c'est-à-dire au moment où, avec l’irruption de la philosophie, la croyance antique perd son sens, et tombe dans le domaine de l’intellect, avant de dégénérer en superstition et en spectacle. C’est, pour eux, la préfiguration de ce qui arrive à la Chrétienté, à partir du XVI° siècle, avec la Renaissance
humaniste (négation de tout ce qui est supérieur à l’homme) et la Réforme protestante (irruption de l’individualisme). Cette chute est un mouvement nécessaire dans le cycle cosmique, . C’est la préparation d’une transition qui ne peut s’effectuer qu’à travers le chaos, et la chute de l’intellectualité dans les connaissances pratiques, en détruisant toute clef de voûte transcendante, constitue justement un puissant accélérateur chaotique.
Sous cet angle, l’Occident contemporain est donc paradoxalement plus éloigné de l’Occident authentique que ne le sont les civilisations restées fidèles à leur tradition. Appelant « Orient » tout ce qui s’inscrit encore dans la tradition, et « Occident » ce qui a déserté,par conséquent c’est en luttant contre l’Occident tel qu’il est devenu que l’homme occidental pourra se refonder...
Certes, l’Occident a toujours eu des particularités. L’homme occidental a toujours été plus « pratique » que l’homme oriental. Une culture, où la caste des guerriers prédomine sur celle des prêtres. Mais, l'occident est passé d’une civilisation où la contemplation s’intégrait dans une vision du monde pratique à une civilisation qui nie la contemplation elle-même. Ce n’est pas la même chose. D’où le paradoxe de l’homme occidental : doté d’une énorme puissance matérielle, mais presque totalement vidé sur le plan spirituel. D’où, encore, l’illusion de supériorité de l’homme occidental, qui prend sa décadence comme une supériorité, et s’imagine sage parce qu’il ignore tout ce qui est au-delà de la raison humaine.
Pour tout traditionaliste authentique et fidèle à sa tradition, en réalité, c’est l’Occident qui est une civilisation faible et malade. Ayant confondu, faute de clef de voûte spirituelle, la distinction spirituel/temporel avec la séparation pure et simple des deux domaines, c’est un monde où tout principe de légitimité a disparu. Sa courbe, de l’expérimentalisme vers l’existentialisme, va inévitablement le mener au nihilisme. Sa science peut être fabuleusement efficace sur le plan pratique,mais elle aboutit à la négation de la conscience. En effet l’individualisme occidental niant tout ce qui est extérieur à la perception du monde par l’individu finira, de « nouveauté » en « nouveauté », par disloquer tous les liens entre les hommes, dans l’espace et dans le temps. Incapable de percevoir une raison collective agissante dans la tradition, ces occidentaux « émiettés » finiront par ne plus savoir enfanter, ni spirituellement ni charnellement.
Selon les traditionaliste c'est le protestantisme, qui est à la source principale de cette explosion individualiste. Le Libre Examen, en effet, portait en germe l’émergence d’un monde où la morale remplace la religion, ou le Bien est ce qu’ils perçoivent comme tel, et où l’égalité devient une idole, puisqu’elle est le seul moyen de maintenir une forme d’arbitrage entre les perceptions individuelles concurrentes. Pour remedier à tous ces "maux " les traditionalistes appartenant à toutes les religions et traditions appellent au retour à un système de hiérarchie , seul type de société qui, d’après eux, permet à l’individu de s’accomplir suivant sa véritable nature. C'est-à-dire, en somme, faire en sorte qu’à nouveau, l’homme inscrit dans la manifestation ramène son action aux principes posés par l’homme inscrit dans la non manifestation.
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